Coexistence et tétravalence

Comment améliorer le vivre ensemble

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« la liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres » est-elle réellement culturellement universelle, application de la notion de chimie appelée « tétravalence » à la sociologie.

Je vous invite à revisiter le slogan choc de notre civilisation «la liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres» qui nous a été léguée par les philosophes des Lumières mais aussi si bien travaillé par Rosa Luxembourg.

Une évidence, pour nous, la base de toute existence est la liberté individuelle limitée par les Lois et elles seules. Mais seulement voilà, à ceci vient s’ajouter l’héritage d’Aristote et donc une vision binaire: une chose est vraie ou fausse.

Or,il peut exister 4 versions (voire 5 ou 6) d’un même fait, tout dépendant du point de vue mais aussi des intérêts en présence. Combien de fois n’avez-vous pas été témoin d’un fait, avec d’autres et les interprétations différaient fortement selon le témoin? C’est le problème de la perception des faits, au-delà de la réalité et de sa manipulation, notre cerveau décode selon son propre mode de fonctionnement qui est basé sur la culture, l’expérience, les canaux physiques mais aussi l’appartenance idéologique. Cette dernière partie est très perverses car le cerveau n’aimant pas les blancs, à tendance à simuler ou à reconstruire ce qu’il a mal perçu d’où une partialité parfois de toute bonne foi.

Déjà dans un tribunal ou une réunion de famille, c’est difficile mais quand on parle de valeurs et de règles de vie, on se heurte parfois à des drames. Sous couverts de lutte pour la liberté, nous nous comportons parfois en tyran sans le vouloir.

Cette logique binaire est excessivement répandue mais terriblement dévastatrice sur un plan social comme légal.

Je vais donc vous introduire à la notion de tétravalence ou relativité de la vérité en ce qui va nous concerner. Cette notion utilisée en chimie, en logique, en mathématique et en physique relativiste commence à pénétrer les sciences sociales et aide à faire coexister plusieurs modèles sociaux conflictuels.

Prenons deux exemples pratiques:

Vous regardez des enfants jouer dans la neige et touchez la vitre, un enfant dehors, sans sa moufle fait de même: Pour lui la vitre est chaude, pour vous la vitre est froide, la vitre n’est ni chaude ni froide mais à l’équilibre, la vitre est à la fois chaude et froide.

Un musulman et un catholique discutent croyance: La Bible est le message final de Dieu, le Quran est le message final d’Allah, La Bible et le Quran sont des ouvrages inspirés par Dieu et complémentaires, il n’y a pas de Dieu ni d’Allah.

Dans ces deux exemples, vous remarquerez que si l’on réduit les choses à une analyse binaire, le conflit est inévitable chaud/froid ou Dieu/Allah.

La tétravalence permet d’éviter de nier la vérité de l’autre, chacun est sincère et véridique, confronter ne mènera donc à rien car même l’expérience permet parfois de prouver les deux points de vue. La tétravalence permet donc d’éclater en un modèle qui permet de gérer les contradictions ou de vivre avec.

Revenons à notre conception de la Liberté, les athées jugent stupides ceux qui croient en Dieu et leurs dogmes ridicules; les croyants voient les athées comme des gens irresponsables, égoïstes et sans morale. Chacun juge l’autre selon son propre système de valeur.

Mettons la liberté dans le prisme de la tétravalence: la liberté est un droit de chacun, il n’est de liberté qu’en un dieu, la liberté est dans le droit au choix, la liberté est une illusion.

Tout de suite, une solution se dégage, la liberté de choix reste une liberté du moment que le droit à la liberté survit à ce choix. Intégrer une religion et donc un dogme beaucoup plus restrictif que le cadre légal de base devient donc une liberté de choix, la seule chose est d’évidemment offrir la liberté de sortie à cet adhérent. Quant à l’aspect illusoire, c’est possible mais pas incompatible avec la version combinée puisque sans importance.

Vous me direz que l’on a en rien besoin de tout cela et que tout va très bien.

En fait, la phrase «La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres» a très bien fonctionné aussi longtemps que des peuples aux coutumes, cultures et Histoire très proches coexistaient.Aujourd’hui, dans le multiculturel, cela devient très difficile et les nouveaux peuples qui viennent en Europe doivent en plus surmonter la rancœur de l’ancien colonialisme mais aussi les différentes manipulations internationales actuelles.

Donc, notre «liberté» leur semble souvent une extension de la tyrannie et une tentative de les diviser ou de leur enlever leurs enfants. Au nom de cette liberté et d’une soi-disant supériorité culturelle, nous imposons cette liberté. Or, on peut constater avec surprise que même chez les européens, elle ne faisait finalement pas réellement l’unanimité.

Peut-on imposer la liberté?

Plus de soixante ans d’Histoire actuelle nous démontre que non mais que pourtant elle reste fragile. Alors, que faire, renoncer, traiter quelqu’un selon sa religion, son origine, son idéologie, communautariser?

Impossible, que faire des citoyens «non-alignés» qui deviennent de plus en plus nombreux mais aussi des couples mixtes.

N’avons-nous pas créé un excès dans cette course à la liberté?

Est-ce que d’exiger de pouvoir jouir en permanence de 100% de sa liberté n’est pas du gaspillage mais aussi un non-sens?

Aujourd’hui, dans ce monde mélangé, notre conception de la liberté est parfois l’oppression de l’autre. La simple existence est parfois une agression, la pollution visuelle est une réalité (un bikini engendre la même réaction qu’une burqa selon le public).

Alors, beaucoup viendront parler de tolérance.Il y a eu dans le passé des maisons de tolérance et ce mot a un aspect assez condescendant. Certains vont alors dire qu’il faut rassembler les gens qui pensent de même manière ou expulser ceux qui sont trop différents vers des cieux qui leur seront plus compatibles.

Tout ceci me semble assez peu acceptable mais surtout soumis à des périodes politiques et à leur contenu, donc permettant après une période ouverte de revenir à des noires heures de rafles et autres joyeusetés.

Si nous parvenions à considérer que deux personnes, avec des opinions opposées ont tous les deux raisons, cela serait plus aisé, c’est le respect mutuel qui est important.

Si l’on considère le choix d’une religion comme une liberté de choix, cela devient compatible tout d’un coup.

L’habillement aussi est un choix du moment qu’il est bilatéral bien sûr.

S’intégrer, ce n’est pas se fondre dans la masse, c’est simplement exister ensemble, éviter les effets ghettos, éviter les discriminations et être ouverts.

Maintenant, pour les problèmes de couples mixtes non acceptées, la liberté résout cette problématique puisque étant individuelle, cette union ne regarde que les deux personnes concernées.

Le dogme se verra en partie contrarié, certes mais la laïcité actuelle le sera tout autant et, au final, chacun pourra se développer ensemble sous les limites fixées par les Lois, arbitre neutre de ces peuples.

«Seule la loi, universelle et la même pour tous, permet d’arbitrer entre les libertés individuelles» (Kant)

Donc, cette loi individuelle, nous ne pouvons que la créer en ensemble mais aussi veiller à ce qu’elle soit la plus simple possible afin que chacun ait une place en ce monde.

Et puis, au fond, on est toujours l’étranger de quelqu’un d’autre, non?

Hugues CREPIN